Limoges est rapidement devenue le centre de la production de porcelaine après la découverte du kaolin dans la région du Limousin en 1768. De nombreuses grandes usines ont vu le jour dans la ville, offrant du travail à la population locale – hommes, femmes et, comme le montrent d’anciennes cartes postales, enfants. Au début du 20e siècle, la production a atteint son apogée : 55 usines avec 130 fours employaient environ 12.000 ouvriers. Aujourd’hui, une douzaine de manufactures sont encore en activité à Limoges. Les meilleures adresses pour découvrir les mondes de la porcelaine d’hier et d’aujourd’hui sont le Musée national Adrien Dubouché, le Musée du Four des Casseaux, l’Atelier Arquié et la manufacture Bernardaud.

De la porcelaine pour le roi
Au 18e siècle, une course s’est engagée, alimentée par les maisons royales d’Europe. On voulait enfin produire de la porcelaine fine dans son propre pays, au lieu de l’acheter chèrement et en grandes quantités en Chine. En 1712, le missionnaire jésuite François-Xavier d’Entrecolles découvrit en faisant des recherches – une forme précoce d’espionnage industriel – que la porcelaine dure la plus fine nécessitait une terre blanche particulière. Les Chinois l’appelèrent kaolin, “haute colline”, d’après le premier lieu de découverte de la terre à porcelaine en Chine. C’est en sachant cela que la recherche de kaolin a commencé en France. Le petit royaume de Saxe était déjà plus avancé : on extrayait du kaolin dans les monts Métallifères, près d’Aue, et la manufacture de Meissen produisait sa première porcelaine dure à partir de 1710. La maison royale française fut mise sous pression – la France devait enfin lancer sa propre production de porcelaine.

Isabeau Darnet et l’or blanc
Isabeau Darnet, originaire de Saint-Yrieix près de Limoges et épouse du chirurgien local, mit fin à la longue quête du tissu tant convoité. Pour son ménage, elle utilisait une terre fine et blanche qui était remarquablement douce. Son mari soupçonna que cette substance pouvait être précieuse et envoya des échantillons à des amis spécialistes. Le pharmacien bordelais Marc-Hilaire Villaris y reconnut du kaolin – la matière première indispensable à la fabrication de la porcelaine. La découverte fut connue et la région passa au roi Louis XV. Avec le soutien de l’État, l’exploitation ciblée commença. Jean-Baptiste Darnet reçut un bon salaire pour gérer le site de Saint-Yrieix. La production de porcelaine blanche immaculée pour la cour de France pouvait enfin démarrer. Isabeau Darnet, qui ne sera mentionnée que de façon marginale par la suite, a probablement profité du salaire de son mari. Sa découverte a transformé Saint-Yrieix et la région de Limoges pendant deux siècles : des carrières ont été créées dans les anciennes forêts de châtaigniers et des terrils blancs ont mis l’accent sur les landes couvertes de bouleaux. La découverte du kaolin marqua le début de l’ascension de Limoges en tant que site important de porcelaine.

Limoges – Meissen – Copenhague
Comme la porcelaine de Meissen en Allemagne et celle de Royal Copenhagen au Danemark, la porcelaine de Limoges est synonyme de qualité supérieure : fine, translucide, riche en détails. Considérée comme un symbole de l’art de la table français, elle est inscrite au patrimoine culturel immatériel depuis 2008. Aujourd’hui, beaucoup considèrent Limoges comme synonyme de porcelaine française. Elle est demandée dans le monde entier, collectionnée, achetée et souvent utilisée au quotidien. La ville allie tradition industrielle et artisanat créatif. Pour les Français et les amateurs internationaux de porcelaine, elle incarne la partie la plus accessible et la plus démocratique de la culture de la porcelaine – par opposition aux manufactures royales comme Sèvres, près de Paris.

La révolution donne un coup de fouet à la production
En France, la production de porcelaine dure prit son essor en même temps que la Révolution française détrônait la noblesse, autrefois principale cliente de la précieuse porcelaine. Limoges se forgea la réputation d’une ville à la culture de porcelaine démocratique et accessible, tandis que la manufacture de Sèvres, près de Paris, est encore aujourd’hui synonyme de faste royal et de pièces uniques coûteuses. La Révolution, à partir de 1789, a démocratisé les marques et les modes de production : Au lieu de représenter l’élite royale, elles incarnaient désormais les valeurs de la bourgeoisie et de la République. Les conditions de travail dans les usines restaient toujours aussi dures. Mais les hommes qui apprenaient des métiers manuels exigeants pouvaient accéder à l’ascension sociale. Les femmes se sont longtemps vu refuser l’accès à ces métiers.

La naphtaline royale
Après l’abolition de la monarchie et les bouleversements de la Révolution, des termes comme royal disparurent des noms d’entreprises. Les usines ont été rebaptisées, ont reçu de nouveaux propriétaires et portaient désormais des appellations comme usine nationale ou les noms de leurs propriétaires. La manufacture de porcelaine fondée en 1797 par François Alluaud, d’abord connue sous le nom de Porcelaines Alluaud, changea plusieurs fois de nom au fil des ans : de CFH (Charles Field Haviland) à GDM (Gérard Dufraisseix et Morel) et GDA (Gérard Dufraisseix et Abbott). Ce n’est qu’en 1989 que l’entreprise a opté pour le nom Royal Limoges. Elle voulait ainsi souligner le lien avec la monarchie française et mettre en avant l’héritage de la manufacture. Une blague en escalier de l’histoire : Ce qui a disparu en 1789 au nom de la Révolution est revenu 200 ans plus tard comme une stratégie marketing gagnante.

Conseil d’incendie : Musée du Four des Casseaux
De 1904 à 1957, le Four des Casseaux était le four central de l’une des plus importantes usines de porcelaine de la région, Gérard-Dufraisseix-Abbott. Depuis 1987, il est classé monument historique et constitue le cœur d’un concept d’exposition exceptionnel. Le musée du Four des Casseaux retrace l’évolution technique, industrielle et sociale de la fabrication de la porcelaine. Une collection de cartes postales et de photos, complétée par des documents d’époque, illustre le travail en usine autour du four. Les organisateurs de l’exposition doivent cette collection au photographe et collectionneur Paul Colmar. Aujourd’hui âgé de plus de 85 ans, il a commencé dès l’âge de 16 ans à collectionner des cartes postales illustrant la vie professionnelle de l’époque. Une visite du musée du Four des Casseaux vaut doublement la peine : il est situé à proximité de la Vienne, ce qui permet de combiner idéalement la visite avec une promenade au bord de la rivière. On y jouit d’une des plus belles vues sur Limoges avec le vieux pont de pierre Saint-Étienne.

Le musée permet également de visiter l’intérieur du Four des Casseaux. Le four peut contenir jusqu’à 15.000 pièces de porcelaine par cuisson. Une production durait dix jours : le four était chargé pendant deux jours, puis atteignait 900 degrés dans la partie supérieure et 1.400 degrés dans la partie inférieure. Le feu brûlait pendant trois jours, le four refroidissait pendant trois autres jours et enfin, il était vidé en deux jours. Le musée du Four des Casseaux est ouvert du lundi au samedi, le prix d’entrée est très modéré (4,50 euros) et pour 9 euros, on peut bénéficier d’une visite guidée en réservant à l’avance.


Musée National Adrien Dubouché
Le Musée National Adrien Dubouché est considéré comme le plus important musée d’art de la porcelaine et abrite la plus grande collection publique au monde avec plus de 18 000 pièces. Un parcours chronologique permet de découvrir l’histoire de la céramique – de l’Antiquité à l’époque contemporaine, des techniques de la porcelaine aux œuvres contemporaines et à l’art céramique international. Adrien Dubouché, fils d’un marchand de tissus et mécène engagé, prit la direction du musée en 1865. Grâce à de généreuses donations et à l’acquisition d’importantes collections, il élargit considérablement l’exposition. C’est encore de son vivant que le musée reçut son nom.

Ateliers Arquié
Dans les Ateliers Arquié, les visiteurs découvrent la fabrication moderne de la porcelaine de Limoges. L’atelier combine l’artisanat traditionnel avec des formes, des couleurs et des techniques contemporaines. Depuis quelques années, il est installé dans une ancienne filature et usine de tissage au bord de la Vienne. Sur les murs, des graffitis grand format d’artistes régionaux. Fondé en 1996, l’atelier de porcelaine artistique s’est spécialisé dans les objets en porcelaine personnalisés et artistiques.
L’atelier et le magasin d’usine sont réunis sous un même toit. Une quinzaine d’artistes collaborent avec l’atelier. Autrefois, on y fabriquait de la porcelaine pharmaceutique. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent regarder par-dessus l’épaule des artisans et suivre de près les différentes étapes – de la conception du moule à la décoration en passant par le coulage. Des visites guidées de l’Atelier Arquié avec démonstration des étapes de travail sont organisées plusieurs fois par semaine.
L’atelier porte le label français Entreprise du Patrimoine Vivant, synonyme d’un savoir-faire traditionnel exceptionnel. Avec le designer Marc Aurel, ils ont développé une série de sièges urbains en porcelaine, qui se trouvent aujourd’hui devant l’hôtel de ville de Limoges et sont visibles au musée Adrien Dubouché.
Les incontournables en Nouvelle-Aquitaine
La Charente serpente sur 380 kilomètres à travers la région française Nouvelle-Aquitaine. Son cours mène de la région montagneuse de sa source aux plaines alluviales maritimes de son estuaire, en passant par les douces collines et les vignobles. A partir d’Angoulême, le fleuve est navigable jusqu’à l’Atlantique à Rochefort. Autrefois, il servait de voie de communication principale pour la production de cognac. Aujourd’hui, maisons de cognac et vignerons invitent au tourisme spirituel, tandis que des pistes cyclables comme le Flow Vélo passent devant des villages pittoresques, de vieux ponts de pierre, un seul bac flottant, des moulins à eau, des châteaux et la vieille ville d’Angoulême. La Charente est encore considérée comme un secret d’initiés, mais elle fait partie des paysages fluviaux les plus authentiques de France : peu de tourisme de masse, mais beaucoup de nature, de calme et de plaisir. La petite île d’Aix était autrefois un bastion protégeant l’estuaire de la Charente des flottes ennemies, aujourd’hui elle est appréciée pour une excursion d’une journée en mer.
Ce voyage de recherche a été soutenu par Nouvelle-Aquitaine Tourisme et Limoges Tourisme.