Le complexe résidentiel Tbilisi Skybridge, situé dans la capitale géorgienne Tbilisi, est connu dans le monde entier pour ses ponts de liaison à couper le souffle et d’une hauteur vertigineuse. Les locaux l’apprécient surtout comme le moyen le plus rapide de se déplacer à pied entre les quartiers de Saburtalo et de Nutsubidze.
Par les chaudes journées d’été, la montée par les routes publiques en lacets peut être très fatigante. Les personnes qui connaissent bien les lieux utilisent donc le premier bâtiment à Saburtalo, montent au 14e étage pour 20 tétris (7 centimes d’euros) et arrivent à la sortie à Nutsubidze en empruntant des ponts ouverts entre les trois bâtiments. Ils gagnent ainsi 20 minutes ! Les ponts se trouvent au 14ème étage du bâtiment le plus bas et au 12ème ou 10ème étage des autres.
Une architecture appréciée depuis 50 ans
L’architecture du complexe résidentiel était pionnière il y a 50 ans. Elle allie lotissement et rue de passage et représente une fusion de l’espace privé et de l’espace public – un motif qui se répète partout à Tbilissi. Malgré la distance de 11 kilomètres qui les sépare du centre historique de la ville, les ponts du complexe immobilier ne cessent d’attirer les visiteurs.
Le bâtiment, conçu à l’origine sous le nom de Residential Complex « Shatili » par les architectes Otar ‘Toni’ Kalandarishvili et Gaioz ‘Gizo’ Potskhishvili en 1974, était alors considéré comme ultramoderne. Il se distinguait du brutalisme soviétique habituel et utilisait des éléments de conception géorgiens. Les éléments de façade en bois d’acajou et en forme de fer à cheval sont un clin d’œil aux balcons sculptés et aux galeries de verre Shushabandi de la vieille ville de Tbilissi. À l’origine, il était même prévu d’utiliser l’eau chaude provenant des sources chaudes sulfureuses naturelles qui ont donné leur nom à Tbilissi (tbili = chaud en géorgien).
Au fil du temps, la plupart des habitants ont transformé leur appartement en ajoutant des extensions semi-légales et en remplissant les balcons de briques pour créer de l’espace supplémentaire. Il en résulte un ensemble hétéroclite, la façade de chaque appartement révélant quelque chose sur la famille qui y vit.
Un règlement d’ascenseur inhabituel pour une cohabitation harmonieuse
Les habitants de la résidence peuvent cohabiter paisiblement avec les touristes et les passants, car l’ascenseur public ne démarre qu’avec une pièce de monnaie par personne et n’a que deux arrêts : au rez-de-chaussée et au 14e étage, où se trouvent les passerelles de liaison entre les bâtiments. La cage d’escalier n’est pas fermée mais n’est pas une alternative, car la porte des ponts du 14e étage ne peut être ouverte qu’avec une carte à puce pour les résidents.
Nous nous sommes mis en route de manière autonome en métro et avons pris la ligne Saburtalo à Station Square. De la station de métro State University, il n’y a plus beaucoup de chemin à parcourir et on peut bientôt reconnaître notre destination entre les immeubles normaux en plaques. Heureusement, Demetre, un étudiant qui parlait couramment l’anglais, s’est approché de nous lorsque nous avons atteint les immeubles Skybridge et nous a tout expliqué. Pour 10 lari (3,50 euros), il nous a même proposé de nous faire visiter le bâtiment en exclusivité et de nous fournir toutes les pièces dont nous avions besoin. Il est allé voir Mzia, une femme qui habite à côté de l’ascenseur et qui s’occupe depuis longtemps de son bon fonctionnement. C’est chez elle qu’il a échangé les 20 pièces de tétris nécessaires pour l’aller et le retour. Car l’ascenseur ne fonctionne qu’avec ces pièces devenues rares. En tant que touriste, on n’a guère affaire aux petites pièces de tétris, car on a déjà fort à faire avec les billets de lari géorgiens.
Particulièrement sûr dans une zone sismique
Les ponts sont vieux et un peu branlants. Tbilissi se trouve en outre dans une zone où les tremblements de terre sont fréquents. Malgré quelques trous dans le béton sous nos pieds et un léger mouvement un jour de grand vent, ils sont sûrs. Des centaines de personnes les traversent chaque jour et, grâce à leur liaison avec des poutres en acier, elles ont même un avantage sur les bâtiments isolés.
Comment trouver le Skybridge ?
Ceux qui ne veulent pas faire de visite guidée peuvent, comme nous, essayer par eux-mêmes et prendre l’ascenseur dans le premier bâtiment (avec la façade en acajou). Il faut avoir sur soi de la monnaie appropriée pour le retour, car on ne change pas d’argent dans la maison.
Les ponts en Géorgie
Lors de notre voyage en Géorgie, nous avons constaté que les ponts jouent un rôle important dans l’architecture géorgienne, à la fois comme élément de conception fonctionnel pour relier les bâtiments et comme emblème architectural. Le Tbilisi Architecture Archive répertorie encore le Skybridge sous son nom d’origine Residential Complex « Shatili ».
Parmi les nombreux villages fortifiés que nous avons vus lors de notre randonnée à travers la Touchétie et la Khevsourétie, un seul n’a jamais été conquis. Les défenseurs pouvaient constamment se reformer en passant par les toits et les ponts entre les maisons. Vous en saurez plus sur l’histoire mouvementée de la Géorgie dans un autre article.