Bourgogne – un voisin inconnu
Qui ne connaît pas la moutarde de Dijon ? Probablement tout le monde ! Mais où se trouve Dijon exactement ? Dijon est la capitale de la région Bourgogne, située à l’est de la France. Elle est facilement accessible en voiture depuis l’Allemagne. Mais pour nous Allemands, l’Alsace, la Normandie, la Provence ou la Bretagne sont des destinations de voyage bien présentes. Pourtant, la Bourgogne a beaucoup à offrir et ce ne sont pas seulement les célèbres vins de Bourgogne, les domaines viticoles historiques, les paysages vallonnés et les villes chargées d’histoire qui font qu’un voyage vaut la peine. Lors de notre voyage culinaire, nous nous arrêterons dans la belle ville de Beaune.
Comment la moutarde de Dijon a perdu sa patrie
La petite maison de façade de la rue du Farbourg Bretonnière à Beaune ne donne pas l’impression que quelque 45 000 visiteurs franchissent chaque année le portail pour entrer dans la cour qui se trouve derrière. Mais ceux qui savent qu’ils entrent dans l’une des plus anciennes manufactures de moutarde de France sont immédiatement frappés par l’odeur digne des graines de moutarde moulues. Le long de l’entrée de la cour, les étapes de croissance de la plante de moutarde sont peintes sur les murs. Le concept pédagogique de la Moutarderie Edmond Fallot peut encore être amélioré. En visitant le site de production en cours, le visiteur devient lui-même un peu un grain de moutarde.
Mais il n’y a pas que la production qui soit passionnante, l’histoire de la moutarde de Dijon l’est tout autant. La première mention de la moutarde de Dijon remonte au 13e siècle. La moutarde est forte et est fabriquée exclusivement à partir de graines de moutarde brunes ou noires, non déshuilées et moulues à froid. C’est ce qui confère à la moutarde son goût intense. En 1937, un litige entre des producteurs de moutarde de Paris et de Dijon met fin à la protection de l’origine régionale par décision de justice.
Dès lors, l’appellation moutarde de Dijon n’est plus liée au lieu, mais uniquement à la recette. La mondialisation suit son cours. De grandes marques françaises comme Amora Maille sont rachetées par le géant de l’alimentation Unilever. La dernière usine de moutarde de Dijon ferme en 2009, les sites de production sont délocalisés en Europe de l’Est et les graines de moutarde sont achetées au Canada. Dijon ne figure plus que sur l’étiquette et sert aux clients l’illusion de la finesse culinaire française.
Une classe d’élèves de l’école primaire passe devant nous en babillant joyeusement et se dirige vers le petit musée de la moutarde situé à l’arrière de la maison. Edmond Fallot est la seule entreprise familiale de moutarde encore en activité en France. Et nous voilà déjà au cœur du dilemme d’un produit mondialement connu. Caroline Riboteau explique que n’importe quel fabricant dans le monde peut commercialiser de la moutarde de Dijon, pour autant qu’il respecte la recette actuellement en vigueur. Avec 90 000 tonnes par an, les Français consomment deux fois plus de moutarde que les Allemands. Un Français ne parle même que de Dijon lorsqu’il évoque la moutarde et consomme tout de même la plupart du temps un produit purement étranger.
La reconquête de l’identité régionale
Depuis quelques années, la Moutarderie Edmond Fallot se dirige à contre-courant de la mondialisation. Fallot exporte également dans le monde entier, c’est une marque très appréciée aux Etats-Unis et en Asie, les grands chefs apprécient sa grande qualité et Paul Bocuse s’est lui aussi extasié un jour sur le savoir-faire de Fallot. Mais depuis quelques années, l’entreprise travaille aussi à la reconquête d’une identité régionale. 2019 sera la première année où la production s’appuiera à 100 % sur des graines de moutarde noire françaises. Les surfaces de culture ont dû être développées pendant des années et un achat au Canada était inévitable jusqu’en 2018, explique Caroline Riboteau.
La marque La Moutarde de B ourgogne la moutarde de Bourgogne est également 100 % bourguignonne. Cette moutarde est produite avec de l’aligoté, un vin blanc de Bourgogne, plutôt qu’avec du vinaigre. Cela la rend plus crémeuse et plus fine en goût, mais aussi moins durable. L’utilisation de vin au lieu de vinaigre est également un clin d’œil à la recette originelle de la première moutarde de Dijon. Celle-ci était fabriquée avec du verjus, le jus de raisins récoltés avant maturité. Mais cette recette a pris fin à cause de la grande épidémie de phylloxéra qui a frappé durement toute l’Europe, et en particulier la France, à la fin du 19e siècle. La France a perdu jusqu’à 75 pour cent de sa production de vin au cours des décennies touchées par ce fléau. Les raisins, s’ils poussaient encore, n’ont pas été gaspillés pour le verjus et la moutarde a donc été ajoutée au vinaigre. Ainsi, le fléau du phylloxéra n’a pas seulement signifié la fin de nombreux viticulteurs, mais a également influencé la fabrication des moutardes traditionnelles de Bourgogne.
La Bourgogne à la puissance deux – la combinaison des spécialités
L’assortiment actuel d’Edmond Fallot comprend également de nombreuses moutardes aromatisées. Il convient de mentionner en particulier deux moutardes en grains qui contiennent chacune encore une autre spécialité bourguignonne. D’une part, le cassis et la variété Pain d’Epices, les épices de pain d’épices donnent à la moutarde une belle note anisée.
Mais le raffinement le plus noble de la moutarde est l’ajout de truffes de Bourgogne. La truffe brune de Bourgogne pousse juste aux portes de la ville de Beaune. La coopération très locale entre la manufacture de moutarde et le chien truffier permet de fabriquer de la moutarde aux truffes, un produit haut de gamme pour les gourmets. Lors d’une visite au Masion aux Mille Truffes, nous faisons la connaissance de Thierry Bezieux et du chien truffier Elfe.
Et quel est le rapport entre cette vache et la moutarde ? Tout d’abord, elle est elle-même une spécialité bourguignonne. C’est à partir du bœuf blanc charolais que l’on prépare le fameux bœuf bourguignon, un plat mijoté à base de viande de bœuf et de vin de Bourgogne. De nombreux autres plats à base de viande de bœuf charolais figurent sur les cartes des restaurants et des bistrots. Deuxièmement, la fabrication de moutarde fine, c’est-à-dire la moutarde classique de Dijon et la moutarde de Bourgogne, produit des épluchures de moutarde par tamisage. Ces épluchures sont encore très nutritives et sont volontiers servies par la race bovine blanche comme complément alimentaire pour stimuler l’appétit.
Bien manger en Bourgogne n’est pas un grand défi. Tout est possible, du restaurant étoilé au gastro-bar proposant une cuisine régionale. Pour une petite collation avant la prochaine dégustation de vin, la Maison du Colombier, au centre de Beaune, est parfaite. Le chef Roland Chanliaud travaille beaucoup avec des produits régionaux, la carte change tous les jours et se réfère volontiers aux modèles de recettes de sa grand-mère.
Le voyage de recherche a été soutenu sur place par l’office de tourisme.